L’entretien annuel ou la défaite du management

L’entretien annuel, pratique mise en place dans de nombreuses entreprises, consiste à formaliser une rencontre entre le manager et le salarié au rythme d’une fois par an. Et si finalement cette pratique ne signait-elle pas la défaite du management ?

Le législateur a récemment orienté la lumière, de manière indirecte, sur l’entretien annuel en obligeant les entreprises à déployer des entretiens dits professionnels. Ces derniers qui ont lieu le plus souvent tous les deux ans doivent porter sur le futur du salarié, sur ses perspectives d’évolution professionnelle. Ainsi, entre dans la législation une obligation d’entretien pour tous les salariés.

À l’occasion de cette nouveauté, plusieurs prises de parole se sont produites pour dénoncer non pas ce nouvel entretien, mais l’entretien dit annuel, d’évaluation, d’activité selon les dénominations pratiquées.

Quelles sont les finalités d’un entretien annuel ? Il doit permettre aux deux parties en présence de faire le bilan de l’année qui s’est écoulée et de tracer les perspectives de l’année à venir. Il peut également mettre en avant, de manière plus ou moins explicite, les points forts et les points d’amélioration du collaborateur.

Certaines entreprises laissent également la possibilité de s’exprimer sur la rémunération, l’environnement de travail ou encore la qualité de la relation managériale. Bref, quand on regarde avec attention le contenu de ces entretiens, on y retrouve, dans ses grandes lignes, des composantes du management.

Alors se pose naturellement la question de la raison même de l’existence de ces entretiens annuels… à moins qu’ils ne soient là que pour palier à la faiblesse du management, management à qui il est, paradoxalement, demandé de faire passer ces mêmes entretiens !

Récemment, j’ai été invité à participer au jury du serious game de Decathlon qui demandait à plusieurs équipes d’étudiants de réfléchir sur le lien entre la notion d’ambassadeur de la marque et celles de collaborateurs ou de clients. Le point commun entre toutes les présentations était la confiance nécessaire entre chaque partie prenante pour que cela réussisse.

Comment ces jeunes étudiants, et tous les autres peuvent alors considérer le rendez-vous annuel de l’entretien ? Comment pour eux, mais aussi pour les salariés actuels, imaginer qu’un rendez-vous une seule fois par an suffise pour formaliser sa relation au travail, relation qui doit être basée sur la confiance et non sur un examen annuel ?

L’entretien annuel doit donc changer de contenu et de rythme. Il ne peut devenir qu’un support, qu’un guide pour aider les managers à progresser dans leur relation managériale. Il doit également changer de rythme et devenir quotidien ou hebdomadaire.

Ainsi, l’ancien entretien annuel deviendra un vecteur de formation continue aussi bien du manager que du collaborateur. Il aura alors définitivement quitté ses habits de grand oral des compétences, qu’il revêt encore trop souvent aujourd’hui, pour revêtir ceux du développement de ces compétences.

Article publié sur les Echos