Le droit à la déconnexion, un échec collectif

Le droit à la déconnexion est entré en vigueur le 1er janvier. Son inscription dans le Code du travail souligne, hélas, l’incapacité des managers et des employés à «débrancher» par eux-mêmes.

Depuis le 1er janvier, les entreprises de plus de 50 salariés doivent appliquer  le dispositif de droit à la déconnexion qui figure dans la loi Travail. Voilà donc un nouveau droit qui s’ajoute à la longue liste existante.
Lorsque l’on prend quelques instants pour réfléchir à ce droit, on peut s’étonner finalement de voir son inscription dans le Code du travail. Qu’est-il d’autre ce droit que la défaite du management ? Et même finalement l’échec de chacun d’entre nous.

En effet, il est apparu nécessaire de nous rappeler le bon usage des outils de travail, que dis-je, de nous obliger à débrancher notre ordinateur, notre smartphone, notre bureau digital. Est-ce à dire que chaque salarié, chaque manager, chaque entreprise n’étaient pas en capacité d’apprendre le bon usage de l’outil digital aujourd’hui, comme hier ou demain celui d’autres outils ?

Enseigner le droit à la juste connexion

Par ailleurs, inscrire dans le Code du travail le droit à la déconnexion c’est également imaginer un lien direct entre la pensée et l’outil. Puisque j’ai mon smartphone allumé, je pense travail et même je travaille. Il va donc de soi que le smartphone éteint, le travail s’envole !

Ce n’est donc pas un droit à la déconnexion qu’il est important d’enseigner, mais celui à la juste connexion. Cet objet que je tiens dans la main que recouvre-t-il précisément ? Quelles réflexions dois-je avoir avec lui pour progresser dans mon développement professionnel ?

Et mon manager, mon collègue de qui je reçois un message, suis-je bien là pour lui répondre, bien présent pour lui transmettre à mon tour un message ? Si ma réponse est positive, pourquoi devoir brancher une prise pour envoyer le signal ? N’est-ce pas moi, seul, qui doit mettre le courant, faire passer le courant ?

Ce droit à la juste connexion, finalement, n’est-ce pas tout simplement une relation humaine basée sur la confiance, la bienveillance et la transmission ? Alors que le droit à la déconnexion est, au contraire, fondé sur la méfiance et l’infantilisation.

Article publié sur les echos.fr le 9 janvier 2017.

L’entretien annuel ou la défaite du management

L’entretien annuel, pratique mise en place dans de nombreuses entreprises, consiste à formaliser une rencontre entre le manager et le salarié au rythme d’une fois par an. Et si finalement cette pratique ne signait-elle pas la défaite du management ?

Le législateur a récemment orienté la lumière, de manière indirecte, sur l’entretien annuel en obligeant les entreprises à déployer des entretiens dits professionnels. Ces derniers qui ont lieu le plus souvent tous les deux ans doivent porter sur le futur du salarié, sur ses perspectives d’évolution professionnelle. Ainsi, entre dans la législation une obligation d’entretien pour tous les salariés.

À l’occasion de cette nouveauté, plusieurs prises de parole se sont produites pour dénoncer non pas ce nouvel entretien, mais l’entretien dit annuel, d’évaluation, d’activité selon les dénominations pratiquées.

Quelles sont les finalités d’un entretien annuel ? Il doit permettre aux deux parties en présence de faire le bilan de l’année qui s’est écoulée et de tracer les perspectives de l’année à venir. Il peut également mettre en avant, de manière plus ou moins explicite, les points forts et les points d’amélioration du collaborateur.

Certaines entreprises laissent également la possibilité de s’exprimer sur la rémunération, l’environnement de travail ou encore la qualité de la relation managériale. Bref, quand on regarde avec attention le contenu de ces entretiens, on y retrouve, dans ses grandes lignes, des composantes du management.

Alors se pose naturellement la question de la raison même de l’existence de ces entretiens annuels… à moins qu’ils ne soient là que pour palier à la faiblesse du management, management à qui il est, paradoxalement, demandé de faire passer ces mêmes entretiens !

Récemment, j’ai été invité à participer au jury du serious game de Decathlon qui demandait à plusieurs équipes d’étudiants de réfléchir sur le lien entre la notion d’ambassadeur de la marque et celles de collaborateurs ou de clients. Le point commun entre toutes les présentations était la confiance nécessaire entre chaque partie prenante pour que cela réussisse.

Comment ces jeunes étudiants, et tous les autres peuvent alors considérer le rendez-vous annuel de l’entretien ? Comment pour eux, mais aussi pour les salariés actuels, imaginer qu’un rendez-vous une seule fois par an suffise pour formaliser sa relation au travail, relation qui doit être basée sur la confiance et non sur un examen annuel ?

L’entretien annuel doit donc changer de contenu et de rythme. Il ne peut devenir qu’un support, qu’un guide pour aider les managers à progresser dans leur relation managériale. Il doit également changer de rythme et devenir quotidien ou hebdomadaire.

Ainsi, l’ancien entretien annuel deviendra un vecteur de formation continue aussi bien du manager que du collaborateur. Il aura alors définitivement quitté ses habits de grand oral des compétences, qu’il revêt encore trop souvent aujourd’hui, pour revêtir ceux du développement de ces compétences.

Article publié sur les Echos

Répondre aux questions des recruteurs

Aymeric Vincent Répondre aux questions des recruteurs

Vous voilà à présent à la recherche d’un emploi. Un  premier emploi ? Un nouvel emploi ? Qu’importe ! L’objectif de ce guide est de vous aider à répondre aux questions de celui ou de celle qui va vous recruter et, surtout, de bien y répondre.

En s’appuyant sur de nombreux témoignages de recruteurs, l’ouvrage décrypte l’entretien de recrutement étape par étape. Il analyse l’importance du comportement en expliquant le rôle du regard, des mains mais aussi celui de l’intonation ou de la vitesse de parole.
L’auteur évoque également la cohérence des mots à utiliser et les différents styles de langage.

Enfin, des exemples de réponses aux questions le plus souvent posées illustrent le propos.

Après avoir occupé plusieurs fonctions dans les ressources humaines dont celle de DRH adjoint, Aymeric Vincent est actuellement directeur des talents et du développement des ressources humaines dans l’édition. Par ailleurs, il anime un blog sur le management et les ressources humaines et développe une forte présence sur les réseaux sociaux.

Répondre aux questions des recruteurs, novembre 2014, éditions StudyramaPro

Troisième édition de l’ouvrage publié en 2010.

Pour une nouvelle fonction RH

Les ressources humaines sont un métier à la fois peu connu et décrié. Généralement sous les feux de l’actualité lors de crises ou de moments tendus dans l’entreprise, il est bien peu envié des uns et des autres…

Mais, et fort heureusement, les ressources humaines sont loin de se limiter à ces actions, reprises dans le champ médiatique. Faire connaître son quotidien est un enjeu important pour la fonction RH, dans le cadre de l’entreprise et auprès de toutes les parties prenantes.

Au cœur de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), la fonction RH doit se réinventer en permanence, non pas en raison d’une mode qu’il faudrait suivre ou devancer, mais par sa nature même. Quel autre métier a inscrit l’humain dans son ADN, à ce point?

Cela peut ressembler à une promesse illusoire pour les plus grincheux, ou à un doux rêve qui s’est coloré à la mode du « feel good » en restant au stade du cosmétique ! Pourquoi faudrait-il se raccrocher aux propos de ceux qui ont toujours préféré voir le vide plutôt que le plein, le passé nostalgique plutôt que le futur ambitieux ?

Pierre après pierre

Voilà pourquoi plusieurs acteurs de la vie de l’entreprise ont saisi ce métier à pleines mains et ont embrassé avec vigueur et enthousiasme cette fonction ! Imaginer que l’humain reste fort et dépasse ainsi les modes, les outils, les robots, les investissements matériels est possible… mais le chemin est sinueux, difficile et pas toujours partagé au sein même de la fonction RH.

Qui croit en cette orientation peut contribuer à son développement au jour le jour, pierre après pierre aussi modeste que soit le caillou posé. Et le faire savoir… Le partage est facilité par les outils techniques –nécessaires, mais pas suffisants– que la fonction doit s’attacher à utiliser davantage : les différents réseaux sociaux, blogs et autres nouveautés digitales, mais surtout le partage par la rencontre humaine, individuelle ou collective, par la confrontation d’idées avec une attention permanente de bienveillance, laissant de côté les ravages que peut causer l’envie.

Faire grandir le salarié et l’entreprise, et réciproquement, est l’une des principales missions des responsables RH. Pour cela, il convient d’allier la curiosité (pour partir à la découverte des nouveaux mondes) et la surprise, pour garantir un renouvellement des idées et pratiques permettant ainsi leur appropriation. Curiosité, surprise, renouvellement, appropriation: quatre mots-clefs qui peuvent guider une fonction RH actuelle et qui essayent de dessiner une ligne éditoriale, notamment, à ma présence numérique aussi bien à travers le blog qu’à travers Twitter ou Facebook. Partir à la recherche d’approches complémentaires du management, du vivre ensemble, de l’entreprise et surtout de l’humain est une pierre posée sur l’édifice des Ressources Humaines.

Bref, confiante dans l’avenir et dans l’Humain qui le construit, la fonction RH peut poursuivre un chemin qu’elle doit tracer jour après jour… faute de quoi elle redeviendra gestionnaire, alignant ici et là les effectifs pour s’assurer qu’ils correspondent aux euros attendus en ROI. Et alors, cette noble fonction de ressources humaines trouvera un accueil plus chaleureux dans une autre fonction, un autre métier qui aura su, lui, l’accueillir avec confiance, qui aura su trouver les mots et les actes pour conjuguer aux différents temps les talents

Article publié sur le site des Echos